11.4. Le David de Michel-Ange

Archives, 16/06/2010
Voyage à Florence, photos © Eric Itschert


Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange,
Le David de Michel-Ange

Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange,



Cette semaine je vous présente quelques photos de copies du célèbre David de Michel-Ange à Florence. L'original de la statue, réalisé entre 1501 et 1504, se trouve dans la Galleria dell'Accademia depuis 1873, pour le protéger des intempéries. Il ne m'a pas été possible de le photographier. L'original a perdu sa belle patine d'origine lors d'une restauration malheureuse. Ce David mesure 4,34 mètres de hauteur, socle non compris. 

Ainsi, la statue que l'on voit devant le Palazzo Vecchio, sur la Piazza della Signoria, est une copie en marbre en lieu et place de l'original. Il existe aussi une très belle copie de la statue réalisée en bronze vers 1865. Cette dernière se trouve sur la Piazzale Michelangelo, surplombant la vieille ville. Elle a été prévue spécialement pour cette place. 



Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange, bronze, copie,
Copie en bronze du David de Michel-Ange,
sur la Piazzale Michelangelo.


Le David de Michel-Ange, une prouesse technique. 


Un bloc de marbre blanc laissé à l'abandon...


Le David de Michel-Ange est tiré d'un bloc de marbre blanc de Carrare laissé à l'abandon. Ce bloc gisait « sur le dos » (1) dans une cour de l'Opera del Duomo. Deux sculpteurs (Agostino di Duccio et Antonio Rossellino) avaient essayé d'en faire quelque chose, sans y parvenir car le bloc avait trop de défauts. On reprochait à ce dernier d'être mal dégrossi, trop étroit et pas assez compact. Il présentait trop de veinures. 

Or quand Michel-Ange reçoit la commande du David à partir de ce bloc de marbre qu'on fait redresser pour l'occasion, il parvient à tirer parti de l'étroitesse du bloc. Il contourne adroitement un des défauts du marbre : il creuse l'espace entre le bras droit et le torse dans une brèche qui affecte la pierre. Michel-Ange sculpte son David avec une fronde à la main, juste avant son combat contre Goliath. 


Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange,
David avec une fronde à la main...


Des proportions soigneusement étudiées.


Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange,
Les proportions du David sont étudiées en fonction de l'emplacement où la statue doit être mise : au sommet de l'un des piliers du Dôme de Florence. Pour cette raison, des déformations volontaires sont introduits dans la statue : les mains sont particulièrement grandes, car l'importance du geste de David ne doit pas se perdre en raison de la distance d'avec le spectateur. La tête du David et la largeur de ses épaules sont disproportionnées par rapport au reste du corps pour compenser la hauteur à laquelle le personnage allait être placé. Les hanches, elles, sont particulièrement étroites. Les trop nombreux commentaires stylistiques qui ne tiennent pas compte de cela me font bien rire, car ils analysent les proportions de la sculpture comme si on devait la voir presque à hauteur d'homme. Or ces déformations ne sont pas propres au David de Michel-Ange, elles sont récurrentes dans une partie de la statuaire devant être placée à grande hauteur (2). Pensons à Rodin beaucoup plus près de nous, qui sculptait aussi parfois certaines de ses œuvres en fonction de la place particulière qu'elles allaient occuper. 


Commentaires absurdes et illusions d'optique.


Certains commentateurs parlent d'« adolescent » à propos de ce David uniquement parce qu'ils sont induits en erreur par la proportion de la tête. Or il s'agit bien d'un jeune homme fait. On se demande parfois où certains historiens d'art ont eu leur diplôme, peut-être qu'on en vend quelque part pour une modique somme ? Un autre commentaire qui m'a beaucoup fait rire estime que la jambe gauche du David est plus longue que sa jambe droite, et que c'est « d'une grande audace ». Bien sûr, si un sculpteur inconnu avait introduit cet élément dans une de ses sculptures on aurait poliment dit qu'il y avait un petit défaut. Mais pour Michel-Ange cela aurait été « d'une grande audace ». C'est assez comique, car en fait il s'agit d'une illusion d'optique que vous retrouverez dans bien d'autres sculptures, dessins et peintures de nus reproduisant la même attitude : le poids du corps reposant principalement sur une seule jambe (la droite ici), il y a un déhanchement pour compenser l'avancée de la jambe gauche. Le pied gauche touche imparfaitement le sol. La ligne des épaules est penchée dans le sens contraire de celle des hanches, c'est ainsi que le corps réalise son équilibre harmonieux face à la pesanteur. 


Rien d'artificiel, seulement un incroyable savoir-faire...


Rien d'artificiel dans tout cela, aucune difformité, rien que du naturel ! L'axe de gravité du personnage est soigneusement respecté ! Les jambes sont parfaitement égales ! Si vous doutiez encore de mes dires, déshabillez-vous et allez devant un miroir. Prenez une image reproduisant la sculpture, et reproduisez exactement le même mouvement avec le même déhanchement. Vous aurez aussi nettement l'impression qu'une de vos jambes est plus longue que l'autre. Rassurez-vous, il n'en est rien. En tout cas, ce commentateur-là ne connaît pas grand-chose de l'anatomie, et je me demande s'il a vu l'œuvre en vrai ! (Toujours la même chose, des commentateurs écrivant sur une œuvre sans l'avoir vue en vrai...). Toujours en raison de l'emplacement prévu pour la statue, il semblerait que son dos ait été retravaillé ultérieurement, quand le choix de l'emplacement se serait modifié (source : « les passeports de l'art, les sculptures de Michel-Ange » aux éditions Atlas) mais je n'ai pas pu suffisamment recouper cette dernière information. Quoi qu'il en soit, ce travail en deux phases n'entache en rien l'unité de la statue ni son charme... 


L'emplacement prévu pour la statue n'est pas respecté.



Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange,


En tout cas, les commanditaires de l'œuvre estimèrent que l'emplacement initialement prévu n'était plus envisageable. La grandeur du marbre et son poids énorme posaient des problèmes techniques de stabilité pour le pilier destiné à le recevoir. On dit aussi que certains se demandaient si la nudité du personnage n'était pas inappropriée en pareil lieu. Ainsi l'année de l'achèvement de la statue une commission composée de grands artistes florentins fut chargée de faire de nouvelles propositions concernant l'emplacement du David. A la demande de Michel-Ange, la sculpture fut installée devant le Palazzo Vecchio à la place de la Judith de Donatello. Celle-ci rejoignit l'intérieur du Palais. Le David fut officiellement inauguré le 8 septembre 1504. La statue devint le symbole de la république de Florence, régulièrement menacée par de puissants états rivaux. Son style et son emplacement devant le Palazzo Vecchio, siège municipal de Florence, y furent certainement pour quelque chose... 



Un marbrier de Carrare aurait servi de modèle.


Cela serait un marbrier de Carrare qui aurait été le modèle de Michel-Ange pour son David. C'est en tout cas avec beaucoup de tendresse pour son modèle que l'artiste a réalisé sa sculpture, cela se voit dans le raffinement des détails tel les boucles de la chevelure, les traits du visage, les tétons, les poils, le bas-ventre...


David dans l'histoire biblique 



Sous le règne de son premier roi, Saül, le peuple juif entra en guerre contre les puissants Philistins. Goliath, un colosse philistin, défia les Juifs : plutôt que d'engager une bataille générale, il leur suffisait d'envoyer un seul héros pour un duel avec lui. L'issue du combat déterminerait la victoire. Bien sur Goliath était convaincu de son invincibilité. 

David était un jeune berger qui gardait les troupeaux de son père. Il aimait jouer de la harpe. Il était venu au camp juif pour apporter des ravitaillements à ses frères. Quand le défi fut lancé, il se porta volontaire. Sa foi en Dieu permit à ce frêle jeune garçon de terrasser l'immense et imposant Goliath. David le fit d'un jet de pierre de sa fronde. Puis il se saisit de l'épée de sa victime et lui trancha la tête. C'est ainsi qu'il apporta la victoire à son peuple. Il devint, à la mort de Saül, le second roi d'Israël. Contrairement à son fils Salomon, David était un roi simple. Il dansait et chantait devant l'arche d'alliance et s'accompagnait de sa harpe. Il avait composé les psaumes qu'il chantait, tout cela à la gloire de son Dieu bien-aimé. 

Cet épisode du combat de David contre Goliath est tiré du Premier Livre de Samuel



Mes impressions sur la statue du David de Michel-Ange. 



Voyage à Florence, Sculptures, David, Florence, Michel Ange, harmonie retrouvée,
Placée plus haut, la statue retrouve son harmonie...


Ce David est tellement célèbre qu'il est pratiquement devenu impossible d'encore l'examiner en toute objectivité, et, à plus forte raison, de le critiquer. Si on demande quelle est la plus belle statue de Florence on aura le plus souvent comme réponse « le David de Michel-Ange ». Mais je n'aime pas les poncifs. Je donnerai donc quand même mon impression, pour ce qu'elle est, une impression parmi d'autres. Ni plus, ni moins.


Une allégorie politique.


A première vue j'ai trouvé cette statue assez froide et univoque, malgré la prouesse technique exceptionnelle. Pour moi ce David est éloigné du David biblique : le David biblique est plutôt censé être un adolescent frêle, et pas un homme viril, puissant et musclé. Bien sur le David de Michel-Ange n'a pas non plus comme but d'évoquer le personnage biblique en tant que tel, mais plutôt en tant qu'allégorie politique, il doit être un symbole de la Florence victorieuse. En cela il est très réussi. Après la première impression je me suis dit que ma perception de la statue était faussée par l'angle de vue qu'on avait en la voyant. En prenant de la hauteur comme la copie sur la Piazzale Michelangelo, la statue retrouve son harmonie et son véritable charme. L'attitude du personnage, représenté avant le combat, sa simplicité (on identifie ce jeune homme à David uniquement parce qu'il s'apprête à lancer une pierre avec sa fronde, la courroie de la fronde passant au-dessus de l'épaule et le long du dos du personnage) et sa force en font une œuvre intéressante.


Un succès du aux critères contemporains de beauté.

Pourquoi le succès de ce David ? Parce que son aspect et ses déformations correspondent aux nouveaux critères de beauté et d'identification d'une bonne partie de la population d'aujourd'hui, il est « moderne » en quelque sorte. Mince, musclé, un peu plat vu de profil, il a tout pour plaire aux jeunes générations... Quant à moi, je l'apprécie mais ce n'est pas ma statue préférée, et je n'aime pas trop son visage. Même si ce chef-d'œuvre de jeunesse de Michel-Ange fut un coup de maître et étonna tout le monde à l'époque. 



(1) Un bloc de marbre doit être posé dans le même sens que celui qu'il avait lorsqu'il a été extrait du banc de pierre dont il provient. Sinon le bloc peut s'affaiblir. La statue finale devra donc, elle aussi, respecter ce sens. Si on entrepose une pierre « sur le dos », on l'entrepose à contresens, on la fragilise car on modifie les forces de compression dans la pierre. 


(2) La statuaire dont le sculpteur n'a pas tenu compte de la hauteur où elle serait placée nous donne des personnages ramassés, massifs, trapus. Je donne en exemple une statue photographiée dans les jardins de Boboli. 


Voyage à Florence, Sculptures, Florence, Jardins Boboli,
Jardins Boboli, sculpture, photo © Eric Itschert 





Commentaires

Articles les plus consultés