11.2. Balthus à Florence

Archives, 09/06/2010
Voyage à Florence 

L'exposition « De Chirico, Max Ernst, Magritte, Balthus, uno sguardo nell'invisibile » au Palazzo Strozzi, suite. 



Voyage à Florence, Frederico Fellini, Balthus, Palazzo Strozzi,
Le Palazzo Stozzi, photo © Eric Itschert.


Il n'est pas possible d'aborder cette exposition sans écrire aussi un petit mot sur Balthus. J'ai remarqué que la plupart des gens qui disaient du mal des tableaux de Balthus ne les avaient jamais vus, je veux dire vu en vrai et non en reproduction. On retombe dans le problème que j'ai évoqué dans la série des notes commençant par « Mélancolie ». Dès que l'on est confronté à une seule œuvre de Balthus, on est ensorcelé par la beauté, le mystère et la poésie. Cela est aussi vrai pour ses paysages naturels ou urbains, pour ses intérieurs avec personnage(s) que pour ses portraits. Pour cela il faut voir l'œuvre réelle se révéler dans toutes ses dimensions. Ce n'est pas pour rien que des gens aussi différents que Rilke, Antonin Artaud, Picasso, Albert Camus ou Federico Fellini ont reconnu en Balthus un des artistes les plus originaux et les plus accomplis de la peinture contemporaine. 


Je voudrais citer quelques mots de Fellini dans la préface du catalogue de Balthus à la Biennale de Venise en 1980 (traduction française aux éditions Herscher) : 

« C'est alors qu'enfin j'entrai en contact direct avec l'art de Balthus (...) nous étions là tous les deux à regarder ces tableaux comme si nous étions en face de quelque chose que lui, Balthus, avait non pas exécuté, mais retrouvé, déterré, porté à la lumière. (...) Il me semble comprendre que, comme dans les marbres de Michel-Ange, les images de Balthus prenaient corps sur la toile « en enlevant, non en ajoutant » : miraculeusement identifiées, isolées (effet de la dilatation extrême du temps de création de tous les tableaux de Balthus) de cet univers de signes dans lequel se concentre la mémoire de la peinture ». 


Balthus est un des peintres qui a essayé d'élaborer une technique originale dans sa peinture à l'huile. Et c'est le seul bémol que je mets à mon admiration pour ce peintre : il n'a pas travaillé avec la peinture à l'huile mais contre elle, essayant de lui donner le caractère des fresques de Piero della Francesca. Formellement c'est admirablement réussi, mais techniquement c'est malheureusement un échec. En raison de l'accumulation de couches (1) et d'un rendu mat obtenu par toutes sortes de moyens, la surface picturale est devenue bien moins élastique que la toile la supportant. La grande taille de certaines toiles n'arrange rien. Les tableaux de Balthus sont devenus fragiles et beaucoup de collectionneurs n'aiment plus trop faire voyager « leur » tableau. 


Raison de plus pour venir admirer ces quelques œuvres présentées à Florence, car le travail de Piero della Francesca survivra probablement à celui de son admirateur. Dommage que ce dernier ait ainsi été coupé du savoir technique des anciens Maîtres. Mais la technique de Balthus ne fait-elle pas partie intégrante du style et de la lenteur de création de sa peinture ? 



(1) Un jour Balthus eut de réels problèmes avec une des toiles : les couches picturales commençaient à peler... Car un second problème mine le travail du peintre : retravailler une œuvre à l'huile pendant plusieurs années n'est pas l'idéal pour l'adhérence des nouvelles couches apposées... 





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