10.9. Mithra

Archives, 23/09/2009 
Extraits d'un récit de voyage 

Bourg-Saint-Andéol 


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Bourg-Saint-Andéol, bas-relief de Mithra, © Eric Itschert


Après deux jours passés à Lyon, on descend le long du Rhône vers le sud, par de petites routes. On s'arrête entre autres à Bourg-Saint-Andéol, où il y a un bas-relief de Mithra. Non loin du bas-relief se trouve un très beau bâtiment néo-classique à l'intérieur duquel jaillit une source. 

Le bas-relief est de l'époque romaine et constituait le fond du temple du dieu Mithra. Il est sculpté à même le rocher, entre les deux sources qui sont au cœur du vallon de Tourme. On le voit sur la photo en tête. Ensuite on voit des photos avec dans l'ordre : la vallée avec le superbe bâtiment néoclassique à colonnes recevant les eaux d'une des deux sources, une grotte recevant les eaux de l'autre source, et enfin l'intérieur du bâtiment néoclassique. 



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Bourg-Saint-Andéol, photos © Eric Itschert


Cet arrêt à Bourg-Saint-Andéol m'incite à parler brièvement de Mithra. 


Mithra 


On a beaucoup écrit sur Mithra, des choses les plus folles aux thèses les plus sérieuses. Mithra est un dieu qui nous est venu de l'Inde via la Perse. En Perse, il est hellénisé et ensuite ce culte nouveau se répand à travers tout l'Empire romain. La grande difficulté est que nous ne disposons pratiquement que de sources écrites en Orient, alors que dans l'Empire romain nous ne connaissons le culte que par des monuments archéologiques. Ajoutons que la perception de ce dieu s'est modifiée dans le temps et dans l'espace. Il est déjà question de Mithra en Asie mineure au 14è siècle avant JC et le dernier document dans lequel on en parle date du 5è siècle après JC en occident ! 

Dans les Védas (écrits sacrés de l'Inde antique), Mithra s'écrit « Mitra » ce qui signifie « Traité ». Tant en Inde qu'en Perse, son nom est associé à Varuna et Ahura-Mazda, la divinité suprême. Ahura-Mazda, seigneur de sagesse, règne sur le royaume de la lumière. Mais il a un adversaire, Ahriman, le dieu des ténèbres. Mithra combat pour Ahura-Mazda, il est son intermédiaire. 

Le prophète, prête et mage perse Zarathoustra (Zoroastre pour les grecs) réduit ensuite la puissance de Mithra vénéré aussi en Perse. Il réforme son culte. Les mages sont des sages qui exercent une grande influence sur les dynasties perses (e.a. éducation des princes héritiers). 

Des mages hellénisés (Chaldée) créent le culte à mystères de Mithra. Après les découvertes de Doura-Europos en Syrie, il n'est plus possible de contester, comme l'a fait le savant suédois Wikander, l'influence profonde des mages d'Asie mineure sur la formation du culte de Mithra. Mithra s'implante ensuite dans l'Empire romain à peu près à la même époque que le christianisme (2è et 3è siècle après J.C.). Les chrétiens voient d'abord les mages comme des prophètes de la venue du Christ.  
Il y a en effet certaines similitudes entre le christianisme et le culte de Mithra (1). Pourtant ces deux perceptions de nos rapports avec la divinité proviennent d'univers très différents. Les deux religions sont à l'époque des religions à mystères et parlent d'un intermédiaire entre Dieu et l'homme : le Christ ou Mithra. Comme les intermédiaires Orphée, Dionysos ou Isis, ils libèrent et « montrent le chemin », afin de traverser la mort sans encombre. 

Le Christ naît de la Vierge. Mithra naît d'une pierre, l'épée dans une main et le flambeau dans l'autre. De la pierre naît donc le feu et la lumière. (Conception très ancienne puisque pour faire du feu une technique consiste à frapper deux pierres pour avoir des étincelles...). Mithra naît le 25 décembre et les bergers assistent à sa naissance. Il est totalement nu, seulement coiffé du bonnet phrygien, bonnet parfois parsemé d'étoiles. La voûte de la grotte où se fait le culte de Mithra est symbole de la voûte étoilée. 


Différences entre le christianisme et le culte de Mithra


Il y a aussi de grandes différences entre le christianisme et le culte de Mithra. Ce dernier, culte d'un dieu belliqueux sacrifiant un taureau (alors que le Christ se sacrifie lui-même comme agneau), se pratique surtout dans les armées. La moitié de l'humanité est exclue du culte, car aucune femme ne peut y assister. Le culte est par nature associé avec le pouvoir temporel : Néron est probablement le premier empereur romain à adorer Mithra. Néron fait allusion à Mithra dans la décoration de sa « Domus Aurea » et s'en considère comme l'assistant, le soleil. Le dieu confère le pouvoir aux puissants et aux souverains terrestres. Le Christianisme ne se compromet que bien plus tard avec le pouvoir temporel, définitivement sous l'empereur Théodose (2). Ces quelques différences sont des exemples parmi tant d'autres. 


Le bas-relief



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Dessin du bas-relief de Bourg-Saint-Andéol


Venons-en au bas-relief, reproduit plus clairement par le dessin ci-dessus. 

Le jeune dieu Mithra enfonce un poignard dans le cou du taureau. Par ce sacrifice il assure le salut du monde menacé par les forces du mal, représentées par le scorpion. Le sang et le sperme du taureau fertiliseront la terre. Un chien vient s'abreuver de sang. Le serpent serait loin d'être une image négative, une image du mal comme on peut parfois lire. Il représente les forces originaires de la terre qui sont régénérées par le sacrifice. Il peut aussi représenter les forces primordiales qui animent et s'abreuvent en même temps du sang et de la sexualité. L'esquisse d'un satyre illustre ce symbole ici-bas. On y voit un serpent sortant d'un panier et se dirigeant vers le sexe du satyre. Le symbole peut ici être associé aux mystères dionysiaques, mais il présente une certaine similitude avec celui de la pierre de Mithra. Ce symbole est récurent en Inde, on retrouve le serpent dans l'image de Shiva le Roi des danseurs (traductions de Shiva Nataraja) par exemple. L'oiseau en haut représente un corbeau, messager et lien.


Le serpent représente les forces primordiales de la terre.
Il régénère la force sexuelle (bas-relief sur une tombe gallo-romaine).

Le sacrifice du taureau permet que de l'animal jaillisse une vie nouvelle, illustrée par l'épi de blé que l'on distingue à l'extrémité de la queue du taureau. Le soleil et la lune assistent à la scène et donnent une dimension cosmique au sacrifice. Dans le zodiaque, le soleil en taureau est annonce de vie nouvelle et de printemps. (3) 



(1) Rappelons l'histoire de la naissance du Christ où il est question de Mages et d'une étoile en particulier. Pour cela il suffit de lire l'évangile selon Saint-Mathieu, II. J'en cite deux passages, Mt II,1-2&10-11 : 

« Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage ». 

« A la vue de l'astre ils se réjouirent d'une très grande joie. Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l'or, de l'encens et de la myrrhe. » 

A ce récit se sont ajoutées des traditions provenant de récits apocryphes, qui nous ont donné la crèche de Noël en Occident et de superbes icônes de la Nativité en Orient. Il y eut des ajouts où les mages ne sont plus seulement mages mais rois et au nombre de trois. Ces ajouts sont vus avec mépris par certains chrétiens ; pourtant ils sont terriblement riches de sens, à rapprocher de certains récits de rabbins où il est question de rois. Je résume avec mes mots : en chacun de nous il y a un « roi » en tant qu'étincelle de Dieu. Toutefois nous préférons l'état d'esclave qui obscurcit notre vocation à être roi. C'est de cela que parlent certains de ces récits rabbiniques, et pas de rois temporels. Ces mages sont des païens, contrairement aux bergers qui représentent le peuple juif. Or les bergers ont toujours été considérés dans les récits comme « très proches et aimés de Dieu ». Cet ajout « roi » n'est donc absolument pas gratuit comme il pourrait paraître d'abord. D'ailleurs aucun élément, ni dans la crèche de Noël, ni dans l'icône de la Nativité, n'est gratuit. Tout a un sens. Dans l'iconographie des chrétiens orthodoxes, le Christ naît dans une grotte le 25 décembre. Les bergers sont les premiers à le voir, les trois rois mages ensuite, seulement le 6 janvier (Épiphanie). Dans la voûte étoilée une étoile sert à guider les mages, cette étoile est symbole de l'incarnation du divin dans la matière. Elle est souvent représentée à huit branches, symbole du Christ. Le bœuf, l'âne, les bergers, le troupeau, etc... ont tous leur signification symbolique dans l'histoire. 

(2) Ceci malgré les mises en garde réitérées du Christ qui veut clairement séparer le Royaume de Dieu de celui des hommes. Le Christ parle d'abord aux humbles, aux pauvres, aux enfants... Il se méfie des riches et du pouvoir temporel. 

(3) Pour en savoir plus sur Mithra, je vous recommande le livre que j'ai préféré sur lui : « Mithra ce dieu mystérieux » écrit par Martin Vermaseren aux éditions Sequoia Paris-Bruxelles.m 





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